Aziza Benhami: tous les chemins la mènent à l’archerie

Aziza Benhami shooting in qualifying at Paris 2024 Paralympic Games.

ATHLETE SPOTLIGHT est présenté par WIAWIS.

On lui a dit qu’elle ne ferait jamais de sport. Pourtant, Aziza Benhami est bien présente à Paris 2024, en tant qu’athlète paralympique.

Après avoir pris la 21e place des qualifications jeudi dernier, elle sera sur le pas de tir des Invalides au premier tour des éliminatoires ce mardi 3 septembre.

L’archère française participe à ses premiers Jeux chez elle, en France.

“Je veux juste faire des beaux Jeux, prendre du plaisir,” confie-t-elle. “Je ne fais pas partie des favorites pour la médaille, même si tout est toujours possible. Mais ce que je veux surtout, c’est profiter de l’instant.”

Née en Algérie, dans un village près de Ténès, petite ville côtière entre Alger et Oran, Aziza contracte le virus de la poliomyélite alors qu’elle est âgée d’un an à peine.

Son père travaillant déjà en France, toute la famille émigre dans la région toulousaine. Près de la ville rose, à Ramonville-Saint-Agne, la petite Aziza peut être soignée. Elle est prise en charge dans un centre de rééducation de ses deux ans à ses six ans.

C’est là qu’elle découvre pour la première fois le tir à l’arc, peu de temps avant qu’elle n’intègre l’école et une classe “ordinaire”, comme elle la nomme elle-même.

Cette initiation à l’archerie la fascine, mais la réalité la rattrape. Nous sommes alors dans les années 1980 – Aziza est née en 1977. La place dans la société des personnes en situation de handicap n’est alors pas encore suffisamment acquise.

“On m’a toujours dit que je ne ferais jamais de sport,” raconte la Française de 47 ans. “À l’époque, le handisport n’était pas autant mis en avant qu’aujourd’hui.”

Aziza Benhami competes in her first Paralympics in Paris 2024.

Les années passent, Aziza Benhami se construit en oubliant le sport, le tir à l’arc. Au quotidien, elle doit faire avec les séquelles de cette maladie neurologique, qui a touché ses quatre membres mais de manière différente: la jambe gauche et le bras droit sont les plus impactés.

“Je ne peux pas marcher longtemps, je chute régulièrement,” explique-t-elle. “Quand j’étais jeune, je ne pouvais pas éplucher une mandarine ou déboucher une bouteille d’eau, par exemple.”

Mais l’année de ses 35 ans, Benhami décide d’aller à l’encontre de ce qu’elle a toujours entendu, et d’entamer une pratique sportive. Son initiation au tir à l’arc, 29 ans plus tôt, est encore vive dans sa mémoire. Elle saute le pas.

Le hasard offrant souvent des histoires pleines de symbolique, elle s’inscrit pour la première fois dans un club de tir à l’arc la même année où se prépare la production en France de la comédie musicale nommée… Robin des Bois.

Elle contacte alors le club de Cugnaux, dans la banlieue de Toulouse.

“J’avais appelé le président et lui avais dit au téléphone: ‘Par contre il y a un petit souci, c’est que je suis en situation de handicap.’”

“Il m’avait simplement répondu: ‘Venez. Pour le reste, on verra.’”

On est alors en 2012. Cet instant change la vie d’Aziza. Trois ans plus tard, elle dispute sa première finale de championnat de France de para archerie et repart avec une médaille d’argent.

Aziza Benhami with coach at Paris 2024.

“Quand j’ai débuté, mon premier entraîneur, Olivier Vassal, me disait: ‘Trouve ta position, prends tes marques et on s’adaptera,’” se souvient-elle.

“On a modulé ma façon de tenir l’arc, de me tenir debout, de décocher.”

Elle s’inscrit aussi à la musculation, travaille différemment et prend de la force.

“Ça m’a aussi aidée dans mon quotidien. Avant, j’avais des problèmes de dos. Depuis que je tire à l’arc, je n’en ai plus!”

Désormais pensionnaire du club de Balma, Benhami a vu l’annonce de la tenue des Jeux Paralympiques à Paris avec des étoiles pleins les yeux.

Elle a, de surcroît, été embauchée il y a quatre ans dans l’entreprise BPCE IT, qui se trouve être un des partenaires de Paris 2024. Quand on dit que le hasard fait bien les choses…

À présent, les Jeux sont bien là. Et la compétition avec. Pour son entrée en lice, lors des qualifications, la Française s’est classée à la 21e place, avec un score de 466 points.

Un résultat certainement en-deçà de ses espérances, mais qui reflète une saison de préparation olympique ternie par une certaine inconstance.

“Je pense qu’avant tout, je voulais juste tellement participer,” analyse-t-elle. “Du coup, j’ai eu une fin de saison un peu chaotique, des scores qui n’étaient pas au rendez-vous.”

“Je pense que je réfléchis trop, je remets trop les choses en question. Mais n’oublions pas que je ne suis en équipe de France que depuis deux ans, il y a encore des choses à travailler.”

Aziza Benhami during practice at Paris 2024 Paralympic Games.

Benhami affrontera au premier tour mardi matin l’Iranienne Somayeh Rahimi Ghahderijani, tête de série numéro 12. Pour espérer avancer dans le tableau.

Souvent bien placée, comme en 2023, à Nove Mesto en République Tchèque lors de la première étape de la Coupe d’Europe, où elle s’est classée huitième, son meilleur résultat en individuel, Aziza attend encore sa première médaille sur le circuit mondial.

Si elle devait survenir ici, à Paris, l’histoire n’en serait que plus belle. Mais pour elle, l’essentiel est ailleurs.

“Bien sûr, une médaille est toujours possible,” concède-t-elle. “Mais ce que je vois surtout, maintenant, c’est la mise en lumière du paralympisme dans ces Jeux, que je trouve magnifique.”

“Ça permet de montrer aux gens qu’on peut ne pas s’arrêter au handicap. Je suis autonome, je travaille, je suis paralympienne: tout ça prouve qu’on peut y arriver.”

Être à Paris 2024 est déjà un accomplissement en soi pour Aziza Benhami. Mais ses Jeux ne s’arrêteront pas après son programme individuel. Engagée aux côtés de Guillaume Toucoullet, elle pourrait bien créer l’exploit lors du programme par équipe mixte, ce mercredi 4 septembre.

Pour continuer de porter haut et fort son message, de sa voix joviale, son énergie respirant le soleil du sud.

“Je suis quelqu’un de volontaire. Ce que m’a permis le sport, c’est dépasser mon handicap, de montrer qu’on est à égalité avec un archer valide.”

“Je suis super contente d’être athlète paralympique,” conclut-elle. “Et que quelqu’un puisse me regarder et se dire: ‘on peut y arriver, on peut se dépasser’, aussi bien en étant valides qu’en situation de handicap.”

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