Le combat d’Ane Marcelle dos Santos contre les préjugés raciaux
ATHLETE SPOTLIGHT est présenté par WIAWIS.
Un sourire timide se dessine sur son visage, alors qu’elle pose avec précaution son arc au sol.
À 30 ans, Ane Marcelle Dos Santos dégage pourtant l’assurance d’une athlète qui a déjà beaucoup vécu. Parfois bien au-delà du sportif.
Archère la plus titrée du Brésil, présente en sélection brésilienne depuis 10 an, elle porte haut et fort, au-delà de ses performances, un message d’inclusion.
Son histoire, marquée par le racisme, la guide aujourd’hui dans son objectif de participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024.
Alors qu’elle s’assoit sur une chaise au plastique usé, coiffée de son éternel chapeau, ses souvenirs de Jeux olympiques la ramènent immédiatement à Rio de Janeiro, en 2016.
C’est là, chez elle, que la Brésilienne a vécu ses premières olympiades. C’est là, aussi, qu’elle a été victime pour la première fois de préjugés raciaux au sein du milieu sportif.
À cause de ce chapeau dont elle se pare toujours, quel que soit le pas de tir.
“Après un match que j’avais gagné à Rio, une personne m’a dit que je portais mon chapeau pour cacher au monde mes cheveux horribles,” se souvient-elle. “Ça m’avait vraiment atteinte.”
Née à Rio de Janeiro, Ane Marcelle a grandi dans la ville de Maricá, au sein de l’état de Rio, au Brésil. Petite, elle était fascinée par les épreuves olympiques d’athlétisme qu’elle regardait à la télévision.
Le tir à l’arc est arrivé dans sa vie presque par hasard, au détour d’un projet social, qui permettait aux enfants encore à l’école de pratiquer un sport – projet qui existe encore aujourd’hui dans sa ville.
“J’ai eu la chance de pouvoir le pratiquer gratuitement,” explique-t-elle. “Si je suis l’athlète que je suis aujourd’hui, avec déjà deux participations aux Jeux Olympiques, des voyages et plus de médailles que je ne peux compter, c’est grâce à ce projet.”
En 2014, à seulement 20 ans, Ane Marcelle se pare de bronze, en individuel, lors des Jeux panaméricains. Deux ans plus tard, elle est sélectionnée pour ses Jeux Olympiques, à domicile. Elle remporte ses deux premiers matches, est la seule de la délégation brésilienne à atteindre le dernier jour de compétition.
Tout cela alors que cette phrase, reçue comme un coup de poing, hantait son esprit.
“Grâce à Dieu, j’ai une famille qui m’entoure,” dit-elle. “Ils m’ont beaucoup soutenue et j’ai réussi à ne pas laisser cela empoisonner mon cœur.”
“Je sais que je mérite d’être ici, j’ai travaillé pour ça. Et je continue aussi pour inspirer les petites filles et les petits garçons.”
Au sein de la sélection brésilienne, Ane a parcouru le globe, de compétition en compétition.
Les fans rencontrés furent innombrables. La majorité fut accueillante. Mais ce ne fut pas le cas de tous.
“J’ai senti des regards qui n’exprimaient pas une curiosité, comme ‘oh, une personne de couleur différente’.’
”C’étaient des regards qui disaient ‘qu’est-ce qu’elle fait ici?’ J’étais la seule noire dans la rue.”
“Je pense que je suis vraiment une guerrière, par le fait d’être encore là aujourd’hui.”
Double-médaillée d’or aux Jeux sud-américains de 2022, en individuel et par équipe, l’archère carioca s’inscrit dans la lignée des championnes et champions de couleur dont les performances, sans annihiler le racisme dans la société, permettent au moins de pointer du doigt ses méfaits.
“Je pense que les préjugés raciaux vont toujours exister,” ajoute Ane. “Il y a des gens qui pensent qu’on peut en venir à bout, mais il y en aura toujours.”
De fait, le racisme contre des athlètes de haut niveau a fait beaucoup parler récemment au Brésil. Le footballeur Vinícius Júnior, joueur du Real Madrid, en a fait les frais en Espagne l’an passé.
Son histoire, ainsi que sa réponse, ont profondément marqué la jeune femme.
“À aucun moment il n’a répondu à ces actes d’agression,” explique-t-elle. “Donc en fait, ça doit venir de nous, de ne pas y accorder d’attention.”
Ane Marcelle ressent encore parfois ce genre de regard posé sur elle. Voir des grands noms du sport mondial s’élever au-dessus de cela est une source d’inspiration.
“Je me sens fière de ça, de réagir en disant ‘je vais continuer, je vais montrer qu’on est là parce qu’on le mérite‘.”
Ane Marcelle dos Santos ne fuit pas le racisme. Elle l’affronte, calmement, et porte fièrement son combat.
“Dans mon sport, il y a peu de personnes noires,” dit-elle. “Même à Paris, l’été dernier, à la Coupe du Monde, on pouvait nous compter sur les doigts des mains.”
Si le progrès survient par l’action de ceux initiant le changement, Ane est certainement de celles et ceux qui montrent la voie.
“Venir à Paris, pour les Jeux Olympiques, ça signifierait inspirer les jeunes athlètes de couleur.”