Pablo Acha, le plus Français des Espagnols
ATHLETE SPOTLIGHT est présenté par WIAWIS.
Il l’affirme, une lueur animant son regard d’ambre: pour lui, la France est “très importante”.
Pablo Acha, seul archer masculin espagnol qualifié pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, pensionnaire du club de Clermont-Ferrand, est probablement celui qui se sentira le plus chez lui dans l’hexagone.
“J’ai toujours senti un lien fort qui m’unit à ce pays,” dit-il.
Il faut dire qu’Acha, qui fêtera ses 28 ans avant la fin des Jeux, voit dans ces Olympiades parisiennes le signe d’une revanche. Celle, très personnelle, sur Tokyo 2020, dont le scénario lui avait été cruel.
Alors qu’il était parvenu à gagner sa place pour le Japon au termes du “très difficile” processus de sélection espagnol, Pablo a vu la pandémie mondiale de COVID-19 rebattre complètement les cartes.
Les qualifications ont été rejouées, Acha a participé à qualifier l’Espagne, mais n’a pas été retenu en individuel.
“C’est Daniel Castro qui y est allé,” se remémore-t-il. “Ça a été dur à avaler, tout s’est joué à presque rien. En plus, l’épreuve où tout s’est joué, où j’ai été éliminé, était à Paris.”
“J’ai vraiment envie de soigner définitivement cette plaie. Depuis, j’ai chaque fois plus aimé aller à Paris pour tirer. Pour ces Jeux, ce sera encore plus le cas.”
Pour Pablo, la pratique du tir à l’arc est intimement liée au dépassement de soi.
Il l’a débutée dès l’âge de 6 ans. Pour faire comme son grand frère, de six année son aîné.
“J’ai adoré, parce que c’est un sport très individuel,” raconte-t-il. ”J’aimais la sensation, lorsqu’on décoche la flèche, voir sa trajectoire. C’était comme voir passer une comète!”
“C’est d’ailleurs quelque chose que j’ai dû travailler, parce que comme j’étais fasciné par l’envol de la flèche, je ne regardais que ça! (rires)”
Avec le tir, il entretient ses liens fraternels avec son aîné. Lorsque celui-ci décide d’arrêter, Pablo s’est déjà pris de passion pour l’archerie, une forme de compétition interne, avec lui-même, comme il la décrit.
“Je n’aimais pas les sports de combat, où la compétition est directe, physique avec l’autre.” précise-t-il. “Dans le tir à l’arc, c’est plus personnel.”
“Tu es ton propre meilleur ami ou ton pire ennemi. J’adore ça.”
Né à Burgos, petite ville de la communauté autonome de Castilla-y-León, située entre Valladolid et le Pays Basque espagnol, le jeune Pablo assiste avec fascination aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008.
Il y observe son modèle, étant petit: Daniel Morillo.
“Je me souviens qu’on était en vacances avec mon oncle,” se souvient Acha. “On avait regardé beaucoup de sports, pas seulement le tir à l’arc. Et ça m’avait émerveillé, c’est là qu’est née mon ambition d’un jour participer à des Jeux Olympiques.”
Londres, en 2012, lui offre un second modèle dans le tir à l’arc en la personne d’Elias Cuesta.
“Une référence en Espagne”, comme le dit Acha, qui a beaucoup appris du médaillé d’argent par équipe aux Jeux méditerranéens de 2013.
“Il avait la technique qu’on développe aujourd’hui en sélection espagnole. Il a toujours été un modèle dans sa manière d’aborder les compétitions, sur l’aspect mental.”
“J’observais par exemple beaucoup les expressions de son visage, comme il paraissait détendu.”
Fort de son bagage, de son esprit passionné, Pablo commence à afficher son talent sur le circuit mondial.
Champion d’Europe à Antalya en 2021, puis médaillé de bronze aux Jeux Européens de Cracovie en 2023, il accorde une grande importance à l’aspect mental de son tir.
“De mon point de vue, entre le 30ème et le numéro 1 mondial, il n’y a pas de différence dans la technique de tir, sur la préparation physique,” explique-t-il. “Ce qui change, c’est la partie mentale.”
Pablo pointe deux aspects importants en particulier: l’expérience et la force mentale.
“On peut gagner sans expérience, parce que le mental permet de se sublimer,” complète-t-il. “Mais l’expérience te permet, les jours où tu es peut-être moins bien mentalement, de quand même gagner.”
Il arrive bien souvent, dans le sport de très haut niveau, qu'une grande défaite précède une grande victoire. Acha l’a bien noté, lui pour qui Tokyo 2020 a été un tournant décisif.
“Ça a été très dur à encaisser, mais je l’ai pris comme une grande leçon, comme une motivation aussi pour me préparer mieux.”
“Pour Tokyo, je pensais avant tout à l’équipe; depuis, je me vois bien plus mûr individuellement, prêt à aller chercher une médaille. Pour les Jeux de Paris, je sens que je suis compétitif, très fort mentalement et techniquement.”
“Tout me semble être favorable.”
Acha dit avoir vécu une saison pré-olympiades sous tension. La pression de vouloir absolument se qualifier pour les Jeux a forcément amené sa dose de stress.
Mais c’est dans le calme qu’il a trouvé les ressources pour performer et se qualifier pour Paris. Dans le fait, selon ses dires, de “profiter de chaque moment, sur et en-dehors du pas de tir”.
Une de ses recettes, à part son amour pour les sushis: la pêche. Pablo part en effet pêcher autant qu’il le peut en compagnie de son frère. Une pratique qui l’apaise, le tranquillise.
“C’est comme une méditation pour moi,” confie-t-il. “On se sent connecté à la mer, à la nature, on se parle avec mon frère, c’est vraiment agréable.”
À l’orée des JO de Paris, Pablo s’est fixé l’objectif de se maintenir dans l’instant présent. Chaque flèche est la plus importante de toutes, qu’il tire en individuel ou en double mixte.
“Je sais que c’est ainsi que je performerai,” assure-t-il. “Seul ou notamment avec Elia Canales en mixte.”
“Nous avons une super communication tous les deux, donc je sais que nous aurons de vraies grandes opportunités.”
Médaillé d’argent en double mixte au tournoi Spring Arrows en Turquie au printemps 2023, après avoir battu le double français 6-0 en demi-finale, Acha espère sans doute croiser le fer avec les archers tricolores à Paris, lui qui s’est lié d’amitié avec Thomas Chirault.
Pour renforcer encore un peu plus le lien qui l’unit à la France, pays où il a fait son premier voyage en famille, lorsqu’il n’avait que 10 ans.
“On est parti en voiture, et on s’est arrêté un peu partout, jusqu’à Paris,” raconte-t-il. “Je me souviens qu’on avait loué un bateau pour découvrir la Loire. Il y a quelque chose qui m’a connecté à la France, depuis tout petit.”
Après que son compatriote Elias Cuesta l’a aidé à signer à Clermont-Ferrand, Pablo s’est alors senti véritablement professionnel.
“C’est la différence qu’il y a entre les clubs espagnols et les clubs français. Ici, on se sent pro, le club s’occupe de toi, t’emmène jusqu’au pas de tir, un peu comme si on était un joueur de foot. La France m’a donné ça.”
Mais malgré tout son amour pour le tir à l’arc et pour son club, ce n’est pas le Stade Clermontois Archerie qui occupe la place d’honneur dans le cœur de Pablo Acha lorsque l’on parle de la France.
“J’adore les desserts! (rires) Mais aussi la sensation de solidarité. Je le sens dans mon club. Même quand tu tires en individuel, tous les membres du club sont là pour te soutenir.”
“Ça me paraît super, que le club utilise son argent pour emmener aussi ceux qui aspirent à intégrer l’équipe, à atteindre le haut niveau. C’est comme une famille, et j’ai essayé d’importer ça dans notre équipe nationale d’Espagne.”
Les Jeux de Paris représentent donc encore plus qu’une première participation olympique pour Acha.
C’est un moment hautement symbolique. Un signe du destin.
“Je crois en ça, je crois au destin,” assène-t-il. “Il y a trois ans, je pense que ce n’était pas mon heure.”
“Ce que je veux, c’est aller chercher cette médaille d’or dont nous rêvons tous.”
Au final, tout ce temps lui a servi à mieux se préparer mentalement, à comprendre les efforts nécessaires pour y arriver.
L’Espagnol se sent, de fait, très bien préparé pour ses premiers Jeux Olympiques qui ont débuté aujourd'hui aux Invalides avec le tour de classement individuel et une 33e place pour lui.
“Depuis 2018, je tire pour le club de Clermont. Je suis venu à Paris tout un tas de fois, j’ai tiré partout en France.”
“Psychologiquement, je comprends que ce n’était pas pour Tokyo que je me préparais: c’était pour Paris,” conclut-il.