Les six olympiens français décryptés par le directeur technique national Benoît Binon
Directeur technique national depuis 2017, la mission de Benoît Binon consiste à mettre en place le projet fédéral, sur tous les paramètres: formation, développement, vie sportive…
Ainsi que le haut niveau.
À la Fédération Française de Tir à l’Arc, le directeur technique national fait aussi fonction de directeur de la performance.
“J’ai supporté tout le projet olympique, de A à Z,” explique-t-il.
C’est notamment lui qui a pris la décision d’embarquer l’entraîneur coréen Oh Seon Tek dans l’aventure, en 2022, à un moment où le tir à l’arc français était en mal de résultats.
“Plus jamais un DTN [français] ne préparera à nouveau les Jeux Olympiques à domicile, avant je ne sais combien de décennies,” souffle-t-il.
“Ce fut passionnant.”
Alors que débute enfin l’événement qu’il prépare depuis trois ans, les Jeux Olympiques de Paris 2024, Benoît Binon nous présente, avec ses mots, les six archers qui défendront les couleurs de la France sur l’Esplanade des Invalides.
Lisa Barbelin
Pour moi, Lisa, c’est ça qui la caractérise: l’énergie.
Elle met effectivement beaucoup de dynamisme dans tout ce qu’elle fait; l’enjeu pour elle, maintenant, est plutôt de réussir à canaliser cette énergie. Si elle parvient à la mettre au bon endroit, elle est capable de faire de très belles choses, comme elle l’a montré à Paris l’an dernier avec sa médaille d’argent en Coupe du monde.
Je pense qu’elle est mentalement structurée pour être une vraie championne. Elle s’en donne les moyens, cherche à investir tout un tas d’éléments dans son tir pour se préparer au mieux. Maintenant, avec son expérience, elle a une vision claire de ce qu’est un objectif le jour J.
Bien sûr, pour rentrer dans cette catégorie des grandes championnes, il faudra qu’elle se construise un palmarès sur des championnats du monde, sur des Jeux Olympiques.
En tout cas, dans la démarche, l’attitude, elle est là. Il lui manque juste d’augmenter encore un peu son niveau de performance pour ne pas devoir aller puiser à chaque fois dans ses réserves, parce que c’est quelque chose qu’on ne peut pas faire tout le temps, tous les jours.
Elle travaille pour. Elle fera partie des filles, aux Jeux, qui se battront pour une médaille.
Amélie Cordeau
Je pense qu’Amélie est quelqu’un capable de se surpasser, d’aller chercher de belles choses sur des duels par exemple.
C’est une passionnée, elle arrive d’une famille de tir à l’arc, avec son père, sa mère, son oncle…
C’est quelqu’un qui n’a pas la même approche que les autres. Elle a cette capacité à aller chercher les flèches qu’il faut sur des situations de match compliquées.
C’est une matcheuse, elle aime ça. Elle a réussi, dans les catégories de jeunes, beaucoup plus lors des matches.
Elle est capable de s’engager pleinement et complètement.
Caroline Lopez
Elle a ce côté un peu ‘force tranquille’.
Caroline, c’est quelqu’un de très déterminé, qui ne va pas forcément le montrer, mais en tout cas qui a beaucoup de volonté.
Là encore, elle n’a pas obtenu les médailles qu’elle a obtenues dans les catégories U18 ou U21 par hasard.
Je pense aussi qu’en équipe, elle est une archère qui apporte beaucoup de sérénité.
Elle est assez régulière, elle a un tir construit, constant qui amène du calme et de la confiance dans l’équipe.
Baptiste Addis
Il est un peu le garant de notre dose d’insouciance.
Baptiste est un jeune hyper talentueux, il arrive en équipe de France, fait des choses fortes mais qui manquent forcément encore de régularité. Il faut qu’il accepte que tout n’est pas tout le temps facile.
Je pense qu’il a parfois une forme d’exaspération exacerbée. Sur l’échelle des émotions, il peut passer de l’euphorie à la frustration en peu de temps, donc c’est ce qu’il a besoin de canaliser. Mais c’est normal, c’est l’âge, l’expérience qu’il doit encore acquérir.
Il est dans les profils de ces gens qui ont un talent pur. Il rappelle un peu Mete Gazoz il y a quelques années, quand il faisait ses premiers Jeux. C’est un talent brut qu’il faut réussir à construire, à canaliser.
Mais il faut qu’il garder aussi cette insouciance, qu’il puisse arriver aux Jeux avec cette fraîcheur, car s’il a ça, à ce moment-là, tout sera possible.
Thomas Chirault
Thomas, c’est le cartésien.
Il faut que tout soit bien calé, qu’il comprenne bien pourquoi, comment, etc. C’est parfois une qualité parce que ça lui permet de structurer les choses, de bien s’organiser. Il a ce côté scolaire, tout est canalisé.
Après, il lui manque peut-être, parfois, un peu de ‘lâcher-prise’, ce qui est aussi important dans le sport de haut niveau. À un moment, on ne peut pas toujours tout objectiver, tout n’est pas prévisible, il faut pouvoir aller chercher ce petit quelque chose d’émotionnel. S’il y arrive… C’est un tireur qui est capable d’être très précis.
Il faut qu’il accepte que, parfois, les conditions sont plus difficiles, que ses sensations sont moins bonnes.
S’il arrive à élargir son spectre, à prendre les bons côtés de sa personnalité et accepter l’autre côté, plus instinctif, il peut vraiment franchir un gros cap.
Jean-Charles Valladont
Après sa réussite à Rio, Jean-Charles a enchaîné un peu en 2017, a surfé sur sa confiance, puis il s’est perdu, les années suivantes ont été dures. Je pense qu’il avait un peu éteint la flamme, il avait perdu pas mal de choses.
Avec l’arrivée de l’entraîneur coréen, il s’est remis en cause. Je pense qu’aujourd’hui, il a intrinsèquement un niveau qu’il a rarement eu, peut-être même jamais.
Beaucoup de choses se sont dites sur lui, en tout cas, je pense qu’il est redevenu un athlète de haut niveau.
Peut-être s’était-il plus concentré sur son mode de vie, très tranquille, connecté à la nature. Il a toujours ça, mais il a aussi compris que pour réussir à Paris, il fallait reprendre sa casquette d’athlète de haut niveau, et c’est ce qu’il a fait. Ce côté de Jean-Charles est vraiment très intéressant.
Donc, que peut-on dire de lui? Est-ce qu’il va réussir à retrouver la réussite qu’il a eue par le passé? Est-ce qu’on va avoir un Jean-Charles en mode phénix?
Ça lui appartient.