Passé, présent, futur: le rôle du manager de compétition

Remerciements: Traduction par Jean-Denis Gitton/FFTA

Six responsables de la discipline pour le tir à l’arc – passés, présents et futurs – sont réunis au Sambodrome de Rio pour les Jeux Olympiques 2016.

Voici leurs meilleurs souvenirs, les différences et les similarités d’une olympiade à l’autre, les plus grands défis qu’ils aient eu à relever et ce que cela signifie d’avoir la charge du bon déroulement d’un événement tel que les Jeux Olympiques.

Don Rabska – Los Angeles 1984

Directeur de la compétition de tir à l’arc pour les Jeux Olympiques de Los Angeles, Don Rabska occupe aujourd’hui la fonction de vice-président de la Fondation Easton. A Rio, il est en charge du stand de réparation du matériel où les archers peuvent se rendre pour faire réparer leurs arcs.

Quand on lui demande ce dont il se souvient des Jeux de 1984, il répond avec humour: “’Rien, je suis très vieux maintenant!”

Il se souvient pourtant encore de la charge de travail et du soin apporté à la mise en place du site, la réunion des différents directeurs d’autres sports, ainsi que la coordination entre les différents domaines de fonctionnement, tels que l’équipe médicale, le transport et la cantine.

“Des moments passionnants et une grande période de ma vie.”

Le meilleur souvenir de Don, c’est d’avoir travaillé avec l’équipe et les volontaires, passant ensemble des centaines d’heures par semaine pendant les six mois avant les Jeux. “Cette période nous a rapprochés, comme une famille, avec Jim Easton en tant que leader suprême,” suprême,” se souvient Don, en riant. “C’était vraiment incroyable.”

En 1984, le format de la compétition de tir à l’arc consistait en une double ronde FITA, autrement dit 288 flèches tirées durant quatre jours à quatre distances – 70m, 60m, 50m, 30m pour les femmes et 90m, 70m, 50m, 30m pour les hommes. C’était la quatrième et dernière fois que ce format allait être en usage aux Jeux Olympiques.

“C’était particulièrement ennuyeux pour le public, la seule chose intéressante c’était de voir les scores changer sur le grand tableau, il a donc fallu y remédier,” explique-t-il.

Il ajoute que les choses sont devenues de plus en plus intenses aujourd’hui avec tous ces tableaux et ces duels, et le tir à l’arc a réalisé un grand bond en avant en devenant l’un des évènements les plus passionnants des Jeux Olympiques. 

“Nous faisons encore du tir à l’arc mais il y a des décors supplémentaires, beaucoup plus de medias impliqués, ça ressemble beaucoup plus à un spectacle maintenant. Le sport a progressé merveilleusement bien, c’est une mutation incroyable.”

Avoir la charge d’un tel événement est très gratifiant, spécialement quand tout se déroule de manière synchrone.

Don Rabska a beaucoup aimé travailler avec tous les directeurs, l’émulsion qui devait être parfaite. Il y avait 23 départements différents, et travailler avec eux était génial, parce tous les membres ne formaient qu’une seule et même équipe, plutôt qu’un groupe de plusieurs personnes différentes.

“Travailler avec mes collègues de l’équipe est vraiment la chose la plus mémorable.”

La compétition de tir à l’arc de 1984 avait lieu dans un parc. Don explique que l’installation de barrières empêchait les canards d’y entrer et les touristes et habitués de venir s’y promener et de leur donner de la nourriture comme il le faisaient d’habitude. Alors lui et son équipe menaient le soir une ‘mission canard’ avec des sacs de graines pour nourrir ces oiseaux.

“C’était notre petit moment de détente de la journée, car nous finissions souvent très tard. Chaque jour à 6 heures du soir, tout le monde venait prendre un sac pour aller nourrir les canards pendant quelques minutes, juste pour se relaxer avant de retourner au travail.”

Faire en sorte que tout fonctionne et travailler avec les autorités de la ville et le gouvernement local, assurer aux athlètes l’obtention d’un visa qu’ils n’avaient pas pu obtenir préalablement, ont été les challenges les plus importants à relever afin que tout se déroule bien et en osmose.

Don se souvient qu’une fois il n’avait pas dormi pendant deux jours, si bien qu’il ne pouvait plus parler tellement il était fatigué. Quand les gens venaient le voir pour lui poser des questions, les mots qui sortaient de sa bouche n’avaient rien à voir avec avec ceux qu’il avait en tête.

Il avait alors rougi et était parti parce qu’il n’était plus capable de communiquer. Une sieste de 20 minutes dans son bureau, pour se remettre les idées en places, et il était de nouveau prêt à repartir travailler.

“Ce n’était pas très drôle à ce moment-là, ça l’est maintenant,” conclut le manager de la compétition de 1984.

Juan Carlos Holgado – Athènes 2004

Le champion olympique par équipe de Barcelone 1992 a rejoint World Archery en tant que manager des événements après avoir servi en tant que manager des opérations techniques à Athènes. Il occupe aujourd’hui la fonction de directeur du développement des projets olympiques de la fédération et va prendre prochainement la tête du Centre d’Excellence World Archery à Lausanne.

D’Athènes, Juan Carlos Holgado garde le souvenir de l’engagement des Grecs envers les Jeux, et à quel point son équipe était fantastique et l’aide qu’elle lui apportait.

Embed from Getty Images

 

La partie compliquée concernait l’organisation du site, au Stade Panathinaiko, dans la mesure où ils ont dû faire face à de nombreuses avaries de logistique et d’équipement. Il y eu beaucoup de difficultés au regard de la technologie et de la préparation du site, concernant la publicité des sponsors, mais tout a temps finalement.

“Le dernier jour restera mon meilleur souvenir, quand nous avons terminé,” dit-il en riant.

“Quand tout s’est terminé, c’était comme une grande fête. Même s’il y avait encore tout à démonter après, tout nous semblait dorénavant d’une extrême simplicité.”

A Athènes, Juan Carlos explique que la chaîne de management était claire, où chacun faisait remonter l’information, puis la réponse ou la solution redescendait et chacun savait ce qu’il avait à faire, ce qu’il avait ou non.

“Peut-être que quelque chose ne pouvait pas se faire, mais vous saviez qui était responsable et pourquoi ça n’allait pas arriver.”

A Rio, son sentiment c’est qu’il y a un manque de management et de responsabilité de chaque partie.

“Ici, quand il y a un problème, vous donnez l’information et ensuite tout disparaît, tout s’envole comme dans un nuage et s’évanouit. Vous ne savez pas qui prend les décisions et vous avancez de surprise en surprise. A Athènes, on avait l’information et nous savions toujours où nous en étions à n’importe quel moment.”

Au départ, prendre la responsabilité de manager est un vrai challenge. Vous savez quelles sont les attentes mais vous ne connaissez pas outils vous avez pour y arriver.

Durant le processus de travail, vous regardez de quels outils vous disposez pendant deux ou trois ans, vous commencez à les utiliser et devant les limitations, comme par exemples les coupes budgétaires, vous compensez en professionnalisant votre équipe. Les ressources se tarissent mais vous avez de plus en plus de personnes pour vous aider.

“Le manager de compétition doit prendre ses responsabilités. Quand il est temps de passer à l’action, c’est une vraie prise sur soi, vous vous inquiétez de plus en plus de satisfaire les gens. Quand ça marche, que c’est terminé et qu’ils sont contents, alors ensuite vous commencez à faire fêter.”

Ce que Juan Carlos Holgado a apprécié le plus dans sa fonction, c’est le fait de travailler avec les gens, à construire une équipe, la motiver, à la former.

Le premier grand challenge a été de comprendre la culture. Quand vous arrivez dans un autre pays que le vôtre, vous vous rendez compte que votre façon de travailler n’est pas la leur. Vous devez assimiler rapidement leurs méthodes et ensuite travailler en fonction de leur propre système mais avec vos propres connaissances.

Le deuxième challenge a été de faire comprendre à son équipe que les choses devaient être prêtes bien avant et pas au dernier moment. La mentalité des grecs, dit-il, c’était plutôt ‘ne t’inquiète pas, les choses vont arriver’.

“Quand j’ai compris leur façon de penser et comment ils opèrent, j’ai pu changer la mentalité des gens, leur faire comprendre que les choses doivent être faites maintenant et pas plus tard, à partir de ce moment-là tout s’est bien sont déroulé.”

Juan Carlos se souvient d’un jour où il attendait l’équipe de présentation des sports et Rocky Bester devait venir sur le site avec Greg Baumann. Tandis qu’ils arrivaient sur place depuis la rue principale, ils ont entendu un tir, ‘boom’. Ils se sont retournés et ont vu qu’un policier avait tiré sur un pigeon!

Xiuzhi Zhang – Beijing 2008

C’était il y a plus de huit ans déjà, mais Xiuzhi se souvient de toutes les personnes avec qui elle a travaillé. C’était les premiers Jeux Olympiques en Chine, et ils ont travaillé d’arrache-pied et tout fait pour que les Jeux se déroulent bien.

Bien entendu, le meilleur moment reste la médaille d’or de la Chinoise et l’équipe qui a remporté la médaille de bronze. “Ils étaient très heureux et nous l’étions aussi,” dit-elle.

Embed from Getty Images

 

Pour la manager de la compétition de 2008, il n’y a pas réellement de différence entre hier et aujourd’hui. Il est toujours question de créer une ambiance, donner du bonheur aux athlètes dans un site accueillant et beau.

“Quoi qu’ici, la météo est meilleure,” sourit-elle.

Xiuzhi se souvient que la météo à Beijing n’avait pas été bonne pendant deux jours – les épreuves individuelles et par équipes féminines – c’était un vrai challenge à relever. D’autres compétitions telles que le tennis et le hockey avaient dû être interrompues, alors que le règlement au tir à l’arc stipule que la compétition ne s’arrête pas quel que soit le temps.

“Comme c’était l’un des seuls sports à se dérouler ces jours-là à cause des mauvaises conditions, il a généré énormément d’attention dans le monde entier, du coup c’était vraiment positif pour le tir à l’arc.”

Le côté visuel des Jeux de Rio est fantastique, dans la mesure où l’équipe de représentation a fait un travail merveilleux avec les danseuses de samba. En Chine, il n’y avait pas tout cela.

A Beijing, la volonté était de montrer au monde que la Chine était capable d’organiser un tel événement, le plus gros projet au monde, et selon elle, les Chinois y sont parvenus.

Xiuzhi Zhang a apprécié travailler avec des gens de toutes fonctions, les bénévoles en particulier. Dans sa position, elle pouvait apporter de l’aide aux athlètes et aux médias qui venaient de partout dans le monde.

Bien qu’elle ait aussi un passé dans le tir à l’arc en tant que juge depuis plusieurs années, c’était la première fois qu’elle était impliquée dans l’organisation d’un si grand événement. Le plus grand défi a été de travailler avec toutes les parties concernées, et les recommandations du CIO qui sont très compliquées.

“Nous avons aussi dû parfaire la maitrise de la langue, l’anglais n’étant pas notre langue maternelle, afin d’être capable d’accomplir le job,” précise Xiuzhi.

Chris Marsh – Londres 2012

Chris a rejoint World Archery à la fin des Jeux de Londres en tant que directeur des événements, en remplacement de Juan Carlos Holgado.

De Londres, Chris se souvient de l’atmosphère et de l’énergie, et de ses collègues et bénévoles comme de la meilleure équipe avec qui il ait eu à travailler jusqu’ici.

De tous ses bons souvenirs, Chris retient l’atmosphère du site du tir à l’arc avec les gradins plein à craquer.

“Quand un archer britannique tirait un 10, ce rugissement qui venait du public restera en moi pour toujours.”

Des similarités entre les Jeux de Londres et ceux de Rio, il observe la pluralité de services avec lesquels il faut travailler – ils étaient 96 à Londres – tels que la sécurité, le transport, la restauration, et bien plus. Sans parler de la complexité inhérente à ces services et le nombre de personnes avec qui il fallait collaborer.

Le site et la culture sont très différents, bon et mauvais, remarque Chris. Au Brésil, il aime l’énergie et les couleurs chatoyantes. “Et la météo est bien meilleure, ça c’est sûr,” ajoute-t-il en riant.

Le groupe des managers de compétition est un groupe très spécial, il n’y en a pas tant que cela en comparaison du nombre de médaillés olympiques. Chris explique que c’est “le travail le plus honorifique et le plus gratifiant” qu’il ait jamais eu.

“Ce que j’ai apprécié le plus, c’était cette variété et le fait de travailler avec les bénévoles.”

Selon lui, le plus grand challenge à Londres était la communication, discuter avec les services afin d’assurer qu’ils procureraient bien ce dont ils avaient besoin pour le sport.

“Tous les services veulent être dans les gros sports, tels que le tennis et l’athlétisme, il s’agit donc de les convaincre que votre sport est important,” dit-il.

Même si les Jeux Olympiques sont un événement très complexe, il fallait leur faire comprendre que le sport en question était facile à gérer, et construire des relations, tout cela était la clef pour s’assurer qu’ils obtiendraient ce dont ils avaient besoin.

Une anecdote dont Chris se souvient concerne les règles d’utilisation du Lord’s Cricket Ground qui spéculent qu’on n’a pas le droit de marcher sur le gazon.

“’eaucoup de bénévoles étrangers et membres des services qui n’habitaient pas au Royaume-Uni ne comprenaient pas qu’on leur dise de ‘ne pas marcher sur le gazon’, explique Chris Marsh. “Ils ne conçoivent pas bien que cette herbe soit sacrée, qu’elle ait deux cents ans, et qu’il y a des règles spécifiques à ce sujet.”

“C’est quelque chose de très ‘British’, et très différent comparé à Rio où vous pouvez marcher n’importe où.”

Embed from Getty Images

 

Lors des Jeux Paralympiques, un jeu de médailles pour les équipes n’a pas été livré, il était écrit athlétisme sur celui qu’ils avaient. Ils ont donc appelé le manager de la compétition d’athlétisme, mais il a répondu qu’ils avaient des milliers de médailles et qu’il n’aurait pas le temps de les retrouver.

Donc, le Royal Mint au Pays de Galles a réalisé un nouveau jeu de médailles et ils les ont livré en moto, depuis le Pays de Galles!

“Je me souviens que la musique de la cérémonie commençait, ils sont arrivés sur le site, les médailles étaient encore chaudes quand elles ont été disposées sur les présentoirs, mais tout était prêt à temps pour la présentation, c’était incroyable.”

Luiz Almeida – Rio 2016

Jusqu’ici, les meilleurs souvenirs du manager de la compétition de Rio 2016 c’est le fait de travailler avec les gens de World Archery qu'il trouve “’très professionnels et amicaux”.

Luiz apprécie aussi le look des Jeux, qu’il trouve très beau, et le public qui aime le sport et qui ne cache pas ses encouragements.

“Ici c’est plein de couleurs. Je n’ai jamais vu de coach box orange auparavant! Les gens sont très contents, il y a des danseurs de Samba sur le terrain.”

Et nous n’avions encore jamais vu non plus les athlètes passer entre des danseurs de l’école de samba pour se rendre sur le pas de tir. Les athlètes ont l’air heureux même s’ils sont très concentrés, ils apprécient la musique et la chorégraphie jouée pendant à leur arrivée sur le terrain.

Luiz dit que la responsabilité de l’organisation d’un tel événement est grande, et que tout dépend des services fonctionnels engagés. Le plus grand challenge est de les connecter entre eux.

“Si nous faisons notre travail mais que les autres services ne le font pas, cela veut dire que l’événement ne peut pas se dérouler, parce que tous ces départements fonctionnent ensemble.”

Certains n’ont jamais travaillé dans ce genre d’événement auparavant, ajoute-t-il, c’est donc difficile parce qu’ils ne savent pas ce qu’est un grand événement.

“Dans l’événementiel, le temps n’existe pas, il n’y pas d’heure d’arrivée ni de départ. Ces personnes ne sont pas habituées à travailler de cette façon, et il est très difficile de leur inculquer cela.”

Quelle est la meilleure récompense en contrepartie du dur labeur de Luiz?

“J’aime voir que tout est prêt quand les athlètes arrivent pour tirer, et leurs yeux qui brillent.”

Yuko Okura – Tokyo 2020

Après Rio, Luiz Almeida passera le flambeau à Yuko Okura, celle qui prendra sa succession en vue des Jeux de Tokyo 2020.

“C’est une super opportunité de faire les Jeux et de faire connaître le tir à l’arc. J’ai la chance de travailler avec des personnes qui aiment le tir à l’arc, et c’est la partie la plus excitante,” dit Yuko.

Avant d’être désignée manager de la compétition de tir à l’arc pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, Yuko Okura a travaillé en tant que bénévole lors de la Finale de la Coupe du Monde qui s’est déroulée dans la capitale nippone en 2012.

“Les JO c’est une organisation différente des autres compétitions internationales. Je n’ai pas le sentiment d’avoir une autre langue ni une autre culture, mais certains oui, donc il faut faire avec cela.”

Yuko précise qu’en tant que manager de la compétition, il faut communiquer avec les personnes pour faire en sorte que tout marche, et travailler ensemble rend les choses plus faciles et meilleures.

La Japonaise a également officié en tant que traductrice pour l’équipe nationale de tir à l’arc, ce qui lui a permis faire connaissance avec les événements internationaux.

“En tant que traductrice, je n’aurais peut-être pas eu la possibilité de participer aux Jeux Olympiques, mais en tant que manager sportif pour Tokyo 2020, j’ai dorénavant cette grande opportunité.”

“Je sais que le tir à l’arc est un sport formidable, et j’espère que beaucoup de gens auront l’opportunité de réaliser cela durant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo,” termine-t-elle.

Biographies
Compétitions