Le blog d’Audrey: Une saison sans médaille – donc une saison ratée?

Recurve women’s French team at the Munich 2022 European Championships.

Ce blog est écrit par Audrey Adiceom. Elle nous donne un aperçu de sa vie d’archère d’élite au sein de l’équipe de France de tir à l’arc.

À deux ans des Jeux Olympiques de Paris 2024, cette saison 2021-2022 a marqué un réel tournant dans ma carrière sportive. Les mots d’ordre ont été, plus que jamais, adaptabilité et travail.

Il y a eu une première mise en place très claire de septembre 2021 à fin janvier 2022 à l’INSEP: entraînement tous les jours avec mon entraîneur Aurore Trayan, et en cas de sélection en équipe de France, c’est alors à Jean-Manuel Tizzoni, responsable de l’équipe féminine, de me coacher.

Un fonctionnement qui me convient. Ce sont deux personnes bienveillantes, qui me connaissent et m’aident à évoluer dans le bon sens.

Après une saison en salle mitigée avec des résultats en dents de scie, mais des dépassements personnels très importants, à la mi-janvier, je sens que j’ai progressé techniquement et mentalement.  Ces progrès sont liés à la saison en salle mais aussi par de gros blocs de travail ponctués par de super stages, notamment fin novembre à la Réunion où presque toute l’équipe de France et le staff complet sont partis.

Sur des stages comme celui-ci, nous sommes tous à 100% présents pour le tir, pas d’école ou de travail en journée. Certains rattrapent le retard pris le soir. C’est donc le moment pour nous de nous entraîner plus et de faire des situations de confrontation tous ensemble.

The French team training at Reunion Island.

La fin d’année 2021 était aussi essentielle pour moi, car je terminais en décembre mon Master Informatique Décisionnelle, avant de décrocher début janvier 2022 un contrat au CRITT Informatique.Une entreprise de développement informatique basée à Poitiers, qui travaille depuis plus de 20 ans avec l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance) à Paris.

En France, avoir un travail tout en étant sportif de haut niveau devient possible grâce au Contrat d’Insertion Professionnelle, une convention entre la fédération du sportif, l’entreprise, l’Agence Nationale du Sport, différentes entités comme des Comités Régionaux et le sportif. L’idée est que pendant un an (du 1er janvier au 31 décembre), le sportif a un salaire fixe mensuel qui est financé par son employeur lorsqu’il travaille ou par les autres organismes précités lorsqu’il pratique son sport.

Dans mon cas, je travaille 14h par semaine pour mon employeur et je m’entraîne au tir à l’arc entre 30h et 35h par semaine. Les semaines où je suis en stage ou en compétitions de tir à l’arc, je n’ai pas à travailler. J’ai vraiment beaucoup de chance, car ce double projet est important pour moi.

J’admire et je respecte tous ces sportifs professionnels, qui passent leur journée à s’entraîner. Je sais que moi je n’y arrive pas. J’ai besoin de faire autre chose, de continuer d’apprendre et de développer d’autres compétences. Cela me permet d’être plus concentrée pour mon entraînement. Cela nécessite un peu d’organisation, forcément, mais j’ai besoin de cet équilibre.

Travailler pour une entreprise me rend meilleure dans la pratique du tir à l’arc. C’est une histoire d’épanouissement personnel, je pense. Quand j’arrive à terminer une mission pour mon employeur, que je sais que je suis un maillon de la chaîne et que mon travail a du sens pour moi et l’équipe avec qui je travaille, ça fait un bien fou, je me sens utile.

Début début février, nous avons un nouveau head coach coréen, Oh Seon Tek.

Dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris 2024, l’Agence Nationale du Sport propose un Plan Coach 2024 qui permet d’aider les fédérations à recruter des nouveaux entraîneurs en fonction de certains critères. L’objectif pour nous est de changer certains aspects de notre fonctionnement quotidien pour améliorer nos performances aux Jeux à domicile.

Jusqu’aux sélections nationales fin mars, je travaillais essentiellement avec mon entraîneur Aurore et quatre autres archers de l’INSEP (Florian Billoue, Lucas Daniel, Romain Fichet et Lou Thirion). Comme les autres archers du Pôle étaient tous partis au Championnat d’Europe en salle, nous avons été les premiers à travailler avec Mr Oh. Nous avons passé deux mois environ à nous entraîner ensemble, sur les mêmes cibles côte à côte.

Comme avant, la planification de la semaine était donnée par Aurore: nombre de flèches à tirer, thèmes à travailler individualisés, situations communes et horaires des séances de musculation. La principale différence était sur l’aspect technique.

Par exemple, Mr Oh nous trouvait tous en sur-allonge. Au cours de la saison, j’ai ainsi perdu au moins trois centimètres d’allonge, ce qui a donc eu un impact sur le placement et l’axe des épaules ainsi que sur la traction et la libération finale. Pour ma part, j’ai dû aussi ralentir mon rythme de tir tout en essayant d’être la plus souple possible. Quelques mois plus tard, j’ai aussi changé ma prise de corde pour qu’elle devienne plus franche.

Nous avions une philosophie du tir à l’arc clairement différente de celle du Coréen. Il nous fallait assimiler tous ces changements et les sélections nationales approchaient à grands pas.

Audrey Adiceom training at Jincheon National Training Center in Korea.

Le dernier entraînement avant les sélections, je me revois dire à Aurore: ‘Je ne sais pas du tout ce que ça va donner. J’ai surtout envie d’appliquer ma stratégie de tir et d’adopter le bon comportement‘.

J’ai passé une semaine magique où j’arrivais à me concentrer sur des choses simples, ce qui rendait mon tir de plus en plus performant.

Après cinq jours intenses, j’ai terminé première des sélections et gagné ma place en équipe de France. Cela signifiait beaucoup pour moi, après avoir loupé mes sélections l’an passé et le rêve des Jeux de Tokyo. Avec du recul, je crois qu’avoir la tête remplies des évolutions techniques des dernières semaines m’a permis de rester concentrée sur moi et non sur l’enjeu.

Le groupe m’a beaucoup aidée toute la saison. Nous pouvions échanger ensemble sur les points techniques à faire évoluer et donc de mieux comprendre ce qui était demandé. Ils sont plus que des collègues d’entraînement, ce sont des amis. (Je profite de ce blog pour remercier le FCBle nom qu’on s’était donné car certains sont fans du Football Club de Barcelone et qu’on aimait l’idée d’être une équipeles membres du Pôle INSEP et l’équipe du staff: les entraîneurs Aurore, Jean Manu, Nicolas Rifaut, le préparateur physique Romain Bolusset, ainsi que Rémi Colin assistant entraîneur.)

La saison, comme pour tout le monde, a été ensuite assez dense. Nous avons participé aux Coupes du Monde d’Antalya et Gwangju, les Championnats d’Europe et à la Coupe du Monde à la maison, à Paris. Juste avant d’attaquer ce bloc de compétitions, je savais qu’il restait beaucoup de points techniques à transformer. Mon objectif était d’être prête pour les Européens et Paris.

 J’ai réalisé ma meilleure performance sur un Championnat d’Europe en terminant sixième en individuel, ce qui débloque un quota pour la France pour les Jeux Européens 2023. Cependant, je passe à côté sur la Coupe du Monde de Paris malgré un match individuel et par équipe très disputé (les deux perdus au barrage).

French and Korean national teams posing together.

Je n’ai pas remporté de médailles internationales en 2022 comme je l’avais fait en 2021. Alors dois-je considérer cette saison comme un échec?

Dans un sens oui, forcément. On s’entraîne tous pour remporter les compétitions auxquelles on participe. Revenir bredouille et afficher un niveau de performance très variable ne fait jamais plaisir. J’ai travaillé dur pour intégrer les changements techniques. C’est un gros chamboulement, mais je sais que j’en avais besoin. Il faut parfois savoir déconstruire pour bâtir quelque chose de plus solide.

S’il y a bien quelque chose que je ressors de cette saison, c’est que j’aime travailler. La performance et le rêve de médailles internationales m’animent tous les jours pour aller à l’entraînement, mais ce qui me motive à rester et à continuer, c’est le travail, comprendre la mécanique du sport tout en apprenant à laisser faire quand il faut.

J’apprends à me dépasser, j’apprends à aimer la rigueur et la discipline qui se cachent derrière le sport de haut niveau, j’apprends à accepter mes échecs pour les transformer en apprentissage, j’apprends à trouver des points de réussite dans tout résultat.

Comme j’en avais déjà parlé dans d’autres blogs, la seule pratique du tir à l’arc ne suffit pas toujours pour m’épanouir dans ce sport.Je continue bien évidemment mes séances avec Lise et Anaëlle sur le plan psychologique. J’ai vécu les montagnes russes émotionnelles, mais grâces à toutes ces personnes bienveillantes qui m’entourent, j’essaie de sortir grandie de toute expérience pour un jour décrocher les plus belles médailles.

Images avec l’aimable autorisation de Audrey Adiceom.

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