L’engagement d’un entraîneur coréen est-il un pari gagnant?
L’équipe de France de tir à l’arc se lance dans l’aventure de Jeux Olympiques à domicile.
Près de 30 ans après le dernier archer français champion olympique (Seb Flute, vainqueur à Barcelone en 1992), la France a engagé l’ancien entraîneur coréen Oh Seok Tek pour diriger l’équipe en vue et pendant les Jeux de Paris 2024.
À 61 ans, le Coréen propose un CV irréprochable. Il fut entraîneur aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, entraîneur en chef pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012 (où la Corée avait remporté pour la première fois les titres individuels chez les hommes et chez les femmes) et pendant longtemps le patron de l’équipe professionnelle coréenne LH, dans laquelle évolue la championne olympique de Rio 2016, Chang Hye Jin.
“En Corée, on dit qu’on peut toujours perdre en étant un cran au-dessus des autres,” a dit Seon Tek lors d’une récente interview.
“On doit donc être deux crans plus haut que les autres.”
Il a déjà commencé à apporter des changements significatifs aux techniques des membres de la talentueuse équipe française, dont fait partie l’ancienne championne d’Europe Lisa Barbelin.
“C’est une excellente occasion d’apprendre de toutes nouvelles choses,” a déclaré l’olympien Pierre Plihon. “Nous visons cet objectif principal. C’est encore flou mais à chaque pas que nous faisons, le brouillard s’estompe et donc, avec un peu de chance, le soleil se lèvera bientôt.”
Ne vous y trompez pas, à deux ans de Paris seulement, la France ne peut pas attendre trop longtemps que la nuit devienne jour.
La seule chose ayant permis cette approche à haut risque est que, en tant que pays hôte des prochains Jeux Olympiques, la France recevra un quota complet de six athlètes pour l’événement.
Cela signifie que pendant que le reste du monde bataillera pour des tickets olympiques aux championnats du monde de l’été prochain, les archers français peuvent rester concentrés sur leur processus.
“Quand on fait des changements techniques, les scores vont baisser au début,” coach Oh d’expliquer. “Jusqu’à ce qu’ils commencent à s’habituer aux choses.”
Cette chute est manifeste au niveau des statistiques. Plihon affiche une moyenne de 9,02 points par flèche en 2022, la plus basse de sa carrière, tandis que Barbelin n’a pas dépassé le troisième tour au niveau international cette saison, un an seulement après avoir été numéro 1 mondiale.
Par le passé, de nombreux pays ont engagé des entraîneurs coréens, mais seuls quelques-uns ont vraiment fonctionné.
Peu de temps après avoir été derrière Simon Fairweather lors de sa victoire aux Jeux Olympiques de Sydney, Kisik Lee a vécu un partenariat d’une décennie avec Brady Ellison qui a permis aux États-Unis d’atteindre des résultats de premier ordre de manière régulière.
Aida Roman a obtenu certains de ses meilleurs résultats sous la direction de Lee Mi Joung en 2014, Kim Hyung-Tak et Yang Changhoon ont connu des expériences réussies à l’étranger, et plusieurs nations asiatiques comptent actuellement un entraîneur coréen au sein de leur staff.
La Corée est sans aucun doute l’équipe de tir à l’arc la plus performante au monde, alors pourquoi la liste de distinctions pour ses entraîneurs exportés n’est-elle pas plus longue?
En Corée, les archers d’élite apprennent la posture à l’école primaire dès l’adolescence. Leurs techniques sont affinées au collège et, au lycée, l’accent est mis sur les performances en compétition.
Un enfant de 12 ans qui fait partie de l’équipe de tir à l’arc d’une école primaire s’entraîne une à deux heures chaque jour de la semaine, et plus encore le samedi s’il n’y a pas de tournoi.
C’est une merveilleuse solution à deux problèmes. Les jeunes archers talentueux et passionnés investissent beaucoup de temps dans ce sport et apprennent bien les bases dès leur plus jeune âge. Et les parents qui travaillent n’ont pas à se soucier de les faire garder après l’école, car leurs enfants sont pris en charge par le club de tir à l’arc.
L’équipe de France dont Oh Seon Tek a hérité (ou presque toute équipe en dehors de la Corée) n’a tout simplement pas ce bagage.
Ayant pris sa retraite de son emploi de longue date dans l’équipe professionnelle LH, il a le bénéfice du savoir. Au sein de l’un des premiers groupes d’entraîneurs de tir à l’arc à avoir émerger en Corée, Seon Tek a la capacité technique d’améliorer les fondamentaux français.
La question de savoir s’il aura le temps de mener à bien ce processus avant Paris 2024 est une autre question.
Pour l’instant, et au moment de la partie la plus difficile de la transition, il semble recueillir l’adhésion de ses athlètes.
Mais en fin de compte, cette expérience sera évaluée sur les résultats (s’il y en a) de la nation, à domicile, lors des prochains Jeux Olympiques, trois décennies après le coup de projecteur sur le tir à l’arc en France grâce à Seb Flute.