An San: L’archère la plus titrée de l’histoire olympique moderne
An San sera une championne olympique pour le restant de sa vie.
À l’occasion de l’épreuve féminine individuelle, la Coréenne de 20 ans est entrée dans l’histoire en remportant sa troisième médaille d’or des Jeux Olympiques de Tokyo 2020.
Déjà double médaillée d’or après les compétitions par équipe et du double mixte, An est devenue la première athlète de ces Jeux à remporter trois médailles d’or et la première archère dans l’histoire moderne de ce sport à monter sur trois podiums lors d’une même édition des Jeux Olympiques.
“Sa fierté est notre fierté,” a déclaré le président coréen Moon Jae-In, dans un communiqué publié sur Twitter, qui salue la concentration ’d’acier’ de l’athlète durant la compétition.
C’est une description appropriée de la jeune archère. Après s’être classée première des qualifications et malgré la domination de la nation dans l’épreuve par équipes, An San s’est retrouvée seule Coréenne encore en lice dans les derniers tours d’une compétition que son pays était censé remporter.
Et elle a su gérer cette pression de manière phénoménale.
An San a tenu bon malgré deux barrages en demi-finale et en finale. Elle n’a pas trembler pour mettre sa flèche du tie-break dans le 10 et battre l’athlète olympique russe Elena Osipova en finale, apportant à la Corée sa quatrième médaille dans ces Jeux pour poursuivre le sans-faute de son pays jusque-là.
C’était la première fois depuis 1972 qu’un seul athlète pouvait remporter trois médailles d’or en tir à l’arc dans les mêmes Jeux Olympiquqes.
De 1972, date à laquelle le tir à l’arc a réintégré les Jeux, à 1984, seuls les titres individuels étaient en jeu. Les épreuves par équipes ont été ajoutées en 1988, portant le nombre maximum de titres par athlète à deux. Le programme des médailles est ensuite resté inchangé pendant huit éditions des Jeux Olympiques. Ce n’est qu’avec l’ajout de l’épreuve en double mixte à Tokyo qu’une troisième médaille d’or est devenue accessible.
Et c’est An San qui, après avoir déjà fait tomber un record olympique vieux de 25 ans avec ses 680 points lors des qualifications, s’est retrouvée sous les feux de la rampe en réalisant, statistiquement, la meilleure performance individuelle de l’histoire des Jeux.
“Je ne pense pas l’être,” a répondu An lorsqu’on lui a demandé si elle se considérait comme l’une des meilleures archères de l’histoire de la Corée. “Trois médailles d’or, ça ne signifie pas cela.”
Il est toutefois difficile de les ignorer.
Ce résultat place An San à la quatrième place du classement des médailles en tir à l’arc depuis 1972, à égalité avec Yun Mi-Ji, qui avait remporté l’or en individuel et par équipe à Sydney en 2000 ainsi qu’un autre titre par équipe quatre ans plus tard. Seules Ki Bo Bae, Park Sung-Hyun and Kim Soo-Nyung, trois légendes du sport, sont devant.
C’est la première médaille de tir à l’arc décernée à Tokyo qui a fait la différence.
“Quand j’ai gagné l’or dans l’épreuve du double mixte, je me demandais si je pourrais remporter les trois médailles d’or,” a dit An San. “Et maintenant que je l’ai fait, je m’en sens reconnaissante.”
Une courte déclaration, mais qui est révélatrice, étant donné les habituelles réponses robotisées et entraînées sur la poursuite de la gloire individuelle au sein de l’équipe coréenne. Les Jeux Olympiques sont, avant tout, une compétition par équipe pour la nation phare du tir à l’arc, et c’est peut-être la raison pour laquelle elle se montre si dominatrice, avec ses neuf médailles d’or par équipe chez les femmes en neuf éditions.
“Je crois que cette équipe est la plus forte de tous les temps parce que nous agissons à l’unisson. On se connaît bien, on se fait confiance et on se pousse mutuellement à faire de notre mieux,” dit-elle à propos de ses coéquipières, Kang Chae Young et Jang Minhee.
Mais aussi solide qu’ait été An San dans l’épreuve par équipe, elle qui fut la meilleure de l’équipe championne olympique avec huit 10 sur 18 flèches sans jamais sortir du jaune, elle a aussi su envisager son propre succès.
Et elle fut, par la suite, la seule représentante coréenne à livrer la marchandise dans l’épreuve individuelle.
Alors pourquoi An San a-t-elle été aussi forte?
Les archers parlent souvent de ‘confiance’. Mais la définition usuelle de ce mot ne rend pas justice au sens sportif du terme. Car ce dont ils parlent vraiment, c’est l’absence absolue de doute, la certitude qu’ils peuvent être performants, même sous pression, et que le vent, l’adversaire et la gravité de la situation ne les empêcheront pas de décocher les flèches et les scores élevés qu’ils font régulièrement à l’entraînement.
Pour la première fois aux Jeux Olympiques, la fréquence cardiaque des archers a été affichée en direct sur des graphiques télévisés, donnant un aperçu de la tension ressentie par les archers.
Lors du barrage en finale, le cœur d’An San battait à un rythme tout à fait normal de 100 battements par minute. Son adversaire Osipova a elle enregistré un rythme de 160 à ce moment-là, ou en d’autres termes, un stress significatif.
“Je me suis simplement dit que je pouvais le faire et je me répétais que je pouvais réellement y arriver,” a déclaré la championne après coup. “Au moment où j’ai tiré, j’ai vraiment senti que c’était un 10. À ce moment-là, j’étais totalement sûre que c’était un 10.”
C’est ça, la ‘confiance’.
L’or olympique en individuel revient souvent (mais pas toujours) à des archers faisant leurs débuts aux Jeux.
An San a donc confirmé cette tendance. (Même si le vainqueur chez les hommes, Mete Gazoz, déjà présent à Rio en 2016, ne l’a pas fait).
Aucune femme (coréenne) n’est jamais parvenue à défendre victorieusement son titre olympique individuel. Certaines n’ont même jamais réussi à revenir aux Jeux et quelques-unes sont même tombées dans l’oubli, bien que ce soit moins le cas ces dernières années. Deux autres médailles d’or feraient d’elle l’archère la plus titrée de l’histoire moderne. C’est possible, bien que très difficile.
Mais tout comme ces Jeux, sans spectateurs, furent différents, le prochain cycle olympique sera lui aussi différent.
Il ne reste en effet que trois ans avant Paris 2024, au lieu des quatre habituels. Il n’est pas impossible de voir An San surfer sur cette vague de succès jusqu’aux championnats du monde à la fin de cette saison et peut-être même jusqu’en 2023, lorsque les équipes tenteront à nouveau de se qualifier pour les Jeux.
Elle ne recevra pas de laissez-passer. Mais le potentiel est certainement là.
Quoi qu’il advienne, son nom restera à jamais inscrit dans les livres d’histoire. An San est la première archère de l’histoire moderne à remporter trois médailles d’or olympiques lors d’une seule édition des Jeux, et elle mérite, sans aucun doute, ses titres de Tokyo 2020.