Comment les deux benjamins de l’équipe de France gèrent les études

Amélie Cordeau and Baptiste Addis training mixed team matches at INSEP.

Ils sont encore lycéens, et pourtant, la vie ordinaire d’un jeune étudiant au lycée leur est étrangère.

Baptiste Addis, 17 ans, et Amélie Cordeau, 18, sont les benjamins de l’équipe de France pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.

Alors que leur scolarité dans le secondaire n’est pas terminée, ils ont dû apprendre à gérer les études et la préparation pour le plus grand événement de leur vie.

Baptiste, numéro 17 mondial en arc classique hommes, suit un parcours général orienté vers les sciences. Quant à Amélie, elle est en terminale AGOrA (Assistance à la gestion des organisations et leurs activités), une filière professionnelle orientée vers l’administration, la logistique ou encore les transports.

En tant qu’athlètes de haut niveau, leurs horaires sont aménagés depuis de nombreuses années, dès le collège.

Mais pour cette année scolaire, entraînés par l’exigeant Oh Seon Tek, les deux jeunes archers ont dû faire des choix engagés pour suivre le rythme effréné de la préparation olympique.

Amélie Cordeau ne passera son Bac que l’an prochain. Baptiste Addis, lui, a découpé son année de Première en deux. Cette saison, il ne suivait que trois cours par semaine: l’anglais, l’espagnol et la physique-chimie. Sa dernière année de lycée débutera en septembre. 

Amélie Cordeau likes to listen to music.

Les deux archers français ont l’habitude: depuis qu’ils ont intégré les pôles régionaux pour jeunes sportifs de haut niveau, tout est fait pour leur permettre d’allier études et entraînements.

C’était déjà le cas à Bordeaux, au pôle France, qu’ils ont fréquenté en même temps.

Quand on y était, tous les sports avaient compris que le bi-quotidien est important, c’est-à-dire deux entraînements dans la journée,raconte Baptiste. C’est encore plus le cas pour le tir à l’arc qui est un sport de régularité.

Contrairement à d’autres sports où l’entraînement est intense quelques heures puis se termine, nous, nous avons besoin que ça dure toute la journée. C’est ce que les autres pays font.

Pour Amélie, tout n’a cependant pas été si simple, eu égard à sa filière d’études, plus contraignante pour son emploi du temps.

C’était plus difficile pour les horaires, explique-t-elle. En filière pro, il n’y avait pas le bi-quotidien, donc il a fallu l’aménager uniquement pour moi et c’était un peu compliqué.

On devait aussi faire des stages. Mais j’ai eu le droit de ne faire que 25h par semaine en stage, ce qui m’a beaucoup aidée pour l’entraînement.

La gestion de ces emplois du temps aurait de quoi donner des maux de tête. Heureusement, elle n’incombe pas aux jeunes sportifs.

Baptiste Addis familiarising with Paris 2024 venue at Les Invalides.

Au sein des pôles régionaux, nationaux et à l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), des cellules spécialisées existent pour aménager les horaires des athlètes, afin que ceux-ci puissent se concentrer uniquement sur leur pratique et leurs études.

En France, généralement, les structures le gèrent très bien, juge Addis. Ça rend les choses simples pour nous, les athlètes. Comme nous sommes nombreux, ils font les demandes pour toutes/tous et pour tout.

Ça commence même dès le collège, complète Cordeau. Après, c’était un peu plus compliqué sur le bi-quotidien, parce que le collège reste très sérieux sur les cours, la préparation du brevet, etc. C’est plus restreint pour les entraînements.

À Bordeaux, on s’inscrivait et on avait le bi-quotidien déjà arrangé, c’était le CREPS (Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive) qui gérait ça avec le lycée, et pareil pour les Facs, ajoute Baptiste.

À l’INSEP, il y a une personne qui est dédiée à ça. Elle s’assure que les cours soient bien aménagés, il y a un suivi, donc pour les athlètes, ça reste simple. Nous avons juste à signer les documents, vérifier que tout est bon et c’est tout. On n’a pas besoin de s’en occuper plus que ça.

Au centre national du sport, les cours finissent à 10h30 le matin et 15h30 l’après-midi. Et même ainsi, l’archer de 17 ans a pu couper en deux son avant-dernière année de lycée, afin d’avoir des plages d’entraînement continu.

Il n’y eut cette saison que le vendredi matin où les cours ont empiété sur le temps d’entraînements, selon ses propres dires.

Amélie Cordeau with teammates Lisa Barbelin and Caroline Lopez at Paris 2024.

Pourtant, même avec ces aménagements, des horaires optimisés et une assistance complète, les semaines sont souvent très chargées pour ces jeunes athlètes.

Et le rythme peut être éreintant.

Il y a du stress le soir, se confie Amélie. Je me dis: ‘Il est telle heure, il faut que je travaille, j’ai encore des devoirs, je dois revoir mes cours et en même temps il faut que je me prépare pour l’entraînement.’

J’ai la particularité d’être dyslexique, c’est parfois très dur d’avoir les deux.

C’est donc avec un certain soulagement que Baptiste Addis et Amélie Cordeau ont vu leur année scolaire se terminer, dès le mois de mars dernier pour le premier nommé. Ils ont alors pu pleinement se focaliser sur la préparation des Jeux Olympiques chez eux, en France.

J’ai vraiment senti la différence quand on partait en compétition, ou même en stage, affirme Addis. Le fait de ne pas avoir à penser que le soir, il faut que j’aille en cours, que je fasse mes devoirs.

Je peux tirer plus, être plus concentré et je n’ai que ça à faire. Je peux enchaîner un 8h-22h sans trop d’inconvénients. Mentalement, on se sent plus léger.

Le week-end, on a pu avoir plus de repos et c’était vraiment cool de pouvoir se poser en fin de semaine, sans devoir penser aux cours, ajoute Cordeau. Ça m’a beaucoup aidée.

Baptiste Addis poses for photograph.

Alors que le niveau en compétition des archers français est monté crescendo en 2024, l’arrivée des Jeux a vu se finaliser tout un processus.

Des mois de lutte, d’entraînement acharné, de fatigue mentale et physique. Pour, déjà, des résultats donnant un vrai relief à leurs efforts: Baptiste Addis est devenu vice-champion olympique par équipes chez les hommes.

Amélie, malgré la déception d’un programme par équipe raté chez les femmes et d’une élimination en 1/16e de finale, au barrage, face à la Britannique Megan Havers, peut se targuer d’avoir été la première Française aux qualifications, avec une 17e place.

À la veille du début du programme olympique du double mixte, Amélie et Baptiste, au regard de leurs performances en qualifications, pourraient bien être désignés par l’encadrement technique français, à la surprise générale.

Pleinement engagés dans ces olympiades, pleins d’envie et de détermination, les deux benjamins de l’équipe de France gardent tout de même une petite pensée pour l’après. Lorsque tout reprendra son cours.

Après les Jeux, je partirai en vacances avec mes parents, projette Amélie. Ça fait longtemps que je n’ai pas pris des vacances, ça me fera du bien. Ensuite, je pourrai reprendre le lycée et le tir.

Bien sûr, il faut couper un peu à un moment, assure Baptiste.

“On reprendra les études… Mais dès que les Jeux seront clôturés, il restera quatre ans avant les prochains et chaque jour, chaque mois perdus seront en moins pour les prochains Jeux.

Nous sommes face à des pays qui n’ont pas cette préoccupation-là. Les Coréens, dès que les JO sont finis, ils pensent aux prochains, ils pensent aux championnats du monde. Pas aux cours. Même s’ils font des études à côté, leur principal focus est le tir.

Amélie Cordeau shooting in Paris 2024.

L’après Paris 2024 redonnera une certaine place aux études pour Cordeau et Addis. Mais le tir à l’arc est leur passion, leur quotidien, leur présent, leur futur.

Et même leur passé pour Amélie Cordeau, dont la tradition familiale perpétue l’amour de l’archerie. 

Je pense au métier d’entraîneur depuis longtemps, souffle-t-elle. J’ai aussi l’opportunité de, peut-être, reprendre le magasin de mon père plus tard.

J’ai encore le temps, toute ma vie de sportive en espérant qu’elle dure. Mais je me vois mal quitter le tir à l’arc, ça a déjà été plus ou moins toute ma vie. Ma famille m’a élevée au sein de ce sport, ça me donne envie de perpétuer la tradition familiale.

Baptiste Addis n’entend pas non plus mettre de côté le tir. Son amour de la discipline et son ambition prédominent, à l’heure de se tourner vers l’avenir.

Mes études dépendent aussi de mes résultats: avec une ou plusieurs médailles aux Jeux de Paris, il y a des chances que je dédouble aussi ma terminale pour pouvoir gérer tout ce qui est médias, interviews, maintenir la cadence de tir et préparer les prochaines échéances.

Pour moi, Paris 2024 n’est pas une finalité. Oui, 2028, c’est loin, mais il ne faut pas trop se relâcher, quatre ans, ça passe vite.

Sur la vie après le tir à l’arc, je ne me ferme pas la porte au fait de devenir entraîneur, conclut-il. J’aimerais rester dans le même truc, j’aime le tir à l’arc, et j’aimerais être derrière la longue-vue, enseigner ce que j’ai appris.

Photo principale avec laimable autorisation de la FFTA.

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