Le long chemin vers le retour du tir à l’arc aux Jeux Olympiques à Munich en 1972
Le tir à l’arc moderne est en quelque sorte défini par les Jeux Olympiques. Ils ont guidé et façonné le sport pour en faire ce qu’il est aujourd’hui.
Depuis 1972, date à laquelle le tir à l’arc est revenu dans le giron olympique, il est devenu de loin l’épreuve la plus importante du calendrier international. Bien que seul le tir à l’arc classique soit actuellement intégré aux Jeux, son impact sur les règles et la popularité du sport est considérable, et il est également possible que d’autres épreuves soient ajoutées dans un avenir proche.
Après la tenue des premiers Jeux Olympiques modernes en 1896, le tir à l’arc avait été inscrit au programme des Jeux de 1900 à Paris, 1904 à St Louis, 1908 à Londres puis 1920 à Anvers.
À l’époque, le tir à l’arc, toujours pratiqué en grande partie par des aristocrates amateurs, arrive à la fin d’une ère, celle d’une activité à la mode pour l’élite sociale en Europe. Les Jeux Olympiques eux-mêmes étaient alors très différents de l’événement que nous connaissons aujourd’hui. En 1900, ils n’étaient que la section sportive d’un immense événement international appelé World Expos, qui ressemblait à nos expositions universelles contemporaines.
Treize compétitions associées de tir à l’arc étaient organisées durant les dates de l’événement, avec la participation de plus de 5000 archers, tous des hommes.
À ce jour, il n’y a pas de consensus officiel sur les compétitions dites ‘olympiques’ et celles qui ne l’étaient pas, bien que la page Wikipedia correspondante en énumère sept choisies par des chercheurs olympiques non identifiés. Les épreuves tirées, dont celle déliceusement appelée Au Cordon Doré, n’apparaîtront plus jamais après cela, et bien que les tournois aient été ouverts à tous, dans la pratique, presque tous les archers ayant concouru étaient français.
Les épreuves par équipes apparaissent pour la première fois lors des Jeux olympiques de St Louis en 1904. Là encore, bien qu’officiellement ouvertes à tous, aucun athlète étranger n’y participe et l’épreuve devient de facto le championnat national américain.
En 1908, lorsque les Jeux Olympiques se déroulent pour la première fois à Londres, la meilleure archère du pays est alors Alice Legh. Elle décide de ne pas participer aux Jeux Olympiques afin de se préparer pour les championnats nationaux britanniques, qu’elle considère apparemment à l’époque comme plus prestigieux.
Lors de ces premières éditions des Jeux, le tir à l’arc n’a peut-être pas représenté une multitude de nations, mais les compétitions de 1904 et 1908 furent pionnières en ce qui concerne la présence de femmes.
À cette époque, les athlètes olympiques masculins étaient souvent 20 fois plus nombreux que les femmes aux Jeux. Tous les sports étaient loin d’être aussi accueillants que le tir à l’arc. Certains ont émis l’hypothèse que le tir à l’arc était perçu comme acceptable en partie parce que les femmes pouvaient concourir en portant une robe. Même si celle-ci n’est peut-être pas la raison honorable (l’égalité des sexes) que l’on aimerait trouver, elle a jeté les bases d’une grande partie de l’histoire de ce sport.
En 1920, les épreuves sont à nouveau modifiées. Les compétitions olympiques de cette année-là comportaient des variations sur ce qu’on appelle le tir à l’arc popinjay, qui consiste à tirer des flèches pour essayer de faire tomber des oiseaux en bois posés sur de hauts mâts. Il s’agit d’une forme de sport populaire, à l’époque comme aujourd’hui, principalement en Belgique. Seules trois nations furent représentées: la Belgique, la France et les Pays-Bas.
Le héros local Hubert van Innis remporte alors la dernière de ses neuf médailles d’or et d’argent pour devenir l’archer olympique le plus décoré de tous les temps, titre qu’il détient toujours aujours’hui.
Après la compétition d’Anvers, les flèches olympiques ne voleront plus pendant 52 ans. Les Jeux deviennent de plus en plus importants, prestigieux et professionnels, même si les épreuves restent strictement réservées aux participants amateurs. Pour être inclus aux Jeux Olympiques, un sport doit disposer d’un ensemble de règles standardisées pour ses compétitions internationales. Une rotation constante des épreuves et un nombre limité de participants étrangers ne sont plus acceptés.
De nombreuses fédérations sportives internationales ont été créées au cours des premières décennies du 20ème siècle.
World Archery, organisation alors connue sous le nom de Fédération International de Tir à l’Arc (FITA), a été fondée en 1931 en Pologne. Seuls sept pays étaient représentés lors de la réunion inaugurale: la France, la Tchécoslovaquie, la Suède, la Pologne, les États-Unis, la Hongrie et l’Italie. (Plus de 90 ans plus tard, les associations membres affiliées représentent environ 160 pays).
Dès le début, l’un des principaux objectifs de la FITA était de ramener le sport aux Jeux Olympiques. La toute première réunion a permis de définir les objectifs spécifiques de l’organisation :
- Favoriser les relations sportives internationales en vue d’une participation aux Jeux Olympiques.
- Organiser des compétitions internationales de tir à l’arc.
- Subventionner les prix des compétitions.
- Assurer le respect des règles techniques lors des compétitions.
- Confirmer et entériner les championnats et les records du monde.
Lors de cette même réunion de 1931, une résolution a immédiatement été adoptée, afin d’approcher le Comité International Olympique et demander que le tir à l’arc soit réintroduit au programme olympique. Cette demande a été rapidement rejetée.
It was the first setback of many. It took years just to establish specific rounds and standardised targets – the first competition rules that stuck weren’t approved until congress in 1935 and introduced until 1936 – and minutes of meetings over the next few decades contain numerous wistful reports of approaches to Olympic committees, delegates and officials around the world.
Ce fut le premier revers d’une longue série. Il a en effet fallu des années pour établir des épreuves spécifiques et des cibles uniformisées, les premières règles de compétition restées en vigueur n’ayant pas été approuvées avant le congrès de 1935 et introduites qu’en 1936. Les procès-verbaux des réunions qui ont eu lieu au cours des décennies suivantes contiennent de nombreux rapports nostalgiques sur les démarches entreprises auprès des comités olympiques, des délégués et des officiels du monde entier.
Aucun d’entre eux n’avait réussi à faire revenir le tir à l’arc aux Jeux.
L’évolution a été lente, mais en 1950, le tir à l’arc est reconnu comme un sport amateur par le Comité International Olympique. En même temps, la FITA est reconnue comme une fédération amateur.
En 1952, les premières règles olympiques officielles du tir à l’arc de la FITA sont acceptées par le Comité International Olympique au cas où le tir à l’arc serait réintégré. Cependant, les Jeux olympiques plus austères organisés après la Seconde Guerre mondiale ne sont pas enclins à introduire de nouveaux sports. Le tir à l’arc, malgré son histoire et son universalité, n’a apparemment pas fait ses preuves.
Le personnage clé du retour du tir à l’arc aux Jeux sera Inger Frith.
Née en 1909 au Danemark, elle a mené une vie remarquable à travers le monde, notamment en servant dans l’armée de l’air sud-africaine pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de s’installer au Royaume-Uni et de se mettre au tir à l’arc, pour finalement représenter la Grande-Bretagne au niveau international.
Devenue vice-présidente de la FITA en 1955, elle commence alors sa campagne de lobbying féroce pour que ce sport revienne aux Jeux Olympiques.
En 1961, elle devient la première femme présidente d’une fédération sportive internationale. À cette époque, tout le monde ne se rend même pas compte que Frith est une femme. Selon une note de la Revue Olympique: “elle nous demande très courtoisement de faire savoir que sa fierté féminine est légèrement ‘blessée’ lorsqu’elle reçoit des lettres adressées au président de la fédération internationale de tir à l’arc se référant à elle en tant que ‘M.’”
Selon les contemporains, Frith avait un caractère autocratique.
“Elle dirigeait le tir à l’arc avec une baguette de fer,” selon Lynne Evans, qui a participé aux Jeux Olympiques de 1972. “Mais elle a le mérite de ne pas avoir baissé les bras et d’avoir littéralement arpenté les couloirs du Comité International Olympique pour exiger que le tir à l’arc soit admis.”
Frith avait apparemment du charme à profusion. Francesco Gnecchi-Ruscone, qui lui succédera au poste de président dans les années 1970, a déclaré avec franchise:
“Elle a eu le grand mérite de se rendre irrésistible auprès d’Avery Brundage, qui était alors président du Comité International Olympique, jusqu’à ce qu’il accepte de laisser le tir à l’arc entrer dans le programme olympique.”
Munich a été choisie pour accueillir les Jeux Olympiques de 1972 en avril 1966 lors d’une session du Comité International Olympique à Rome.
Un an auparavant, Frith avait reçu la confirmation que le sport serait autorisé à revenir. Mais c’est lors de cette session que la nouvelle que la FITA attendait depuis des décennies fut officiellement rendue publique. Le tir à l’arc réintégrera le programme à Munich et il sera alors l’un des neuf sports seulement (sur 21) à proposer une compétition pour les femmes comme pour les hommes.
Suite de cette décision, Frith a écrit au secrétaire général du Comité International Olympique.
“Nous sommes déterminés à faire un succès incontestable de l’honneur qui nous est fait de faire partie des Jeux Olympiques de 1972,” pouvait-on lire dans cette lettre.
Après plus de 50 ans, un nouveau chapitre venait d’ouvrir.
Certaines photos avec l’aimable autorisation de Yoshi Komatsu et du Comité International Olympique.