Des Jeux Olympiques à huis clos: Les archers s’expriment sur l’absence de supporters

La foule hurlait à chaque fois que sa flèche transperçait l’anneau du 10. Le Sambodrome débordait d’excitation alors que les supporters brésiliens encourageaient leurs compatriotes lors des Jeux Olympiques de Rio 2016.

Bernardo Oliveira n’avait jamais vécu une telle expérience.

En tant qu’archer, il s’était habitué à concourir dans l’ombre. De grands rassemblements comme celui-ci étaient inimaginables. Pour la première fois de sa vie, il devait crier pour parler à ses coéquipiers.

“Je n’oublierai jamais pour le reste de ma vie ce que j’ai ressenti,” d’Oliveira évoquantle match du Brésil contre la Chine au premier tour, il y a cinq ans. Mené 2-0 après le premier set, il s’était présenté sur la ligne de tir avec l’envie de donner ne raison de faire la fête à ses fans. 

“Le tir était bon quand j’ai lâché la corde, et j’ai vu ce petit point noir apparaître au milieu de la cible,” se souvient Oliveira. 

La réaction qui s’ensuivit avait la même exubérance qu’un but marqué lors d’un match de football.

“Absolument hallucinant,” dit Oliveira. “Le bruit qui a suivi était assourdissant.”

Atmosphère nettement plus discrète cette semaine aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, où les athlètes sont privés de public dans les stades dans le but de contenir la propagation du COVID-19.

Les compétitions de tir à l’arc se déroulent sans supporters ni spectateurs, à l’exception des entraîneurs et des coéquipiers, avec des rangées de sièges vides qui s’étendent jusqu’au bout de l’arène du parc Yumenoshima.

Alors que les épreuves se déroulent comme prévu et que des médailles sont encore en jeu, les archers doivent faire face à l’absence manifeste du public qui distingue habituellement les Jeux Olympiques des autres événements, sachant que l’édition de cette année sera de toute façon différentes des précédentes éditions.

“On a l’impression que ces Jeux Olympiques n’en sont pas,” avait dit la Mexicaine Alejandra Valencia à propos du terrain de qualification. “Il y a beaucoup de médias, mais en même temps, ça ressemble à une Coupe du Monde... c’est juste une autre compétition.”

Pour le pays hôte, le Japon, l’absence de spectateurs pourrait avoir un impact d’autant plus significatif. Les équipes de tir à l’arc ont en effet souvent brillé à domicile, portées par la familiarité des lieux et le soutien des supporters locaux.

Ainsi, l‘Espagne avait remporté l’or par équipe aux Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone; l’Australien Simon Fairweather était devenu champion olympique à sa quatrième tentative à Sydney en 2000; la Chinoise Zhang Juan Juan avait mis fin à la domination coréenne chez les femmes à Beijing en 2008; et la Corée avait remporté la première de ses neuf médailles d’or consécutives dans l’épreuve féminine par équipe lors de l’épreuve inaugurale à Séoul en 1988.

“C’est une toute autre histoire lorsque c’est sur votre propre terrain,” confirme Oliveira. “Ce fut un grand pas [en avant] pour notre programme. À partir du moment où le pays hôte est annoncé, c’est juste fou la quantité d’énergie qui y est consacrée.”

Les nation hôtes ont l’habitude de faire des folies pour leurs équipes afin de remporter des médailles aux Jeux Olympiques, et le Brésil n’a pas fait exception à la règle en prévision de 2016. Désireux de faire forte impression, le pays avait démontré sa volonté de dépenser de l’argent pour tous ses sports, y compris les sports de niche, afin de mettre à profit l’attention allant de pair avec l’organisation du plus grand événement sportif au monde.

“Le tir à l’arc brésilien, avant c’était une chose, et maintenant c’en est une autre,” dit Oliveira. “Il ne s’agit pas seulement des ressources. C’est aussi l’attention et le fait que vous êtes suivi de près.”

Les archers japonais semblent avoir déjà bénéficié de ce rôle d’hôte, remportant lundi le bronze dans l’épreuve masculine par équipe, pour la première fois dans l’histoire olympique. L’équipe féminine a elle terminé à une respectable cinquième place, et un certain nombre d’archers ont réalisé de bonnes performances lors des qualifications, ce qui leur permet d’envisager de bons résultats individuels cette semaine.

“Le fait que le Japon soit le pays hôte a une grande signification,” confirme Hiroki Muto, celui qui a délivré la flèche de barrage gagnante pour le bronze face aux Pays-Bas. “J’étais très nerveux, mais je suis reconnaissant pour tout le soutien que j’ai reçu.”

Bien sûr, le tir à l’arc est l’un de ces sports où la même information peut être présentée de différentes manières.

Alors que certains athlètes réagissent de manière positive en étant le centre d’attention dans un stade plein, d’autres préfèrent mener leurs activités dans l’anonymat.

“Cela peut vous briser, ou vous pousser à aller de l’avant,” ajoute Oliveira. “Certains athlètes vont s’effondrer en pensant à la foule et en voulant l’impressionner, et d’autres vont s’épanouir et exceller portés par cette énergie derrière eux.”

La Grande-Bretagne à Londres en 2012 fait exception sur cette liste des pays ayant obtenu de bons résultats sur leur sol.

“Tout de suite après, on s’est tous demandé pourquoi on avait laissé cela se produire et pourquoi on ne l’avait pas vu venir,” révèle Naomi Folkard, qui participe à Tokyo à ses cinquièmes Jeux Olympiques. “Nous aurions dû bien faire à Londres, mais l’équipe s’était effondrée. Cela pourrait avoir été alimenté un peu par le fait que tout le monde est un peu plus sous pression.”

Et que les tribunes de Tokyo soient pleines ou non, un tel niveau de pression demeure à ces Jeux.

“En tant que troisième tireur, j’étais le plus anxieux et j’ai ressenti la pression. Mais après avoir gagné, je me suis senti soulagé et toute cette pression s’est relâchée,” a expliqué Muto, qui avait fondu en larmes après la confirmation de la victoire du Japon contre les Pays-Bas dans le match pour le bronze.

“J’ai pu obtenir la médaille grâce à tous ces gens, y compris ceux qui m’envoient des messages sur les médias sociaux,” poursuit le Japonais. “J’ai fait de mon mieux pour eux.”

Les compétitions de tir à l’arc aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 se poursuivent avec les éliminatoires individuels jusqu’à la fin de la journée du jeudi 29 juillet 2021.